De 18h30 à 20h00, Christophe Mauri a été là pour un tchat exceptionnel avec tous les membres du forum, et des personnes non inscrites, où il a répondu à bon nombre de questions. Il continuera d'y répondre dans la semaine et je mettrais ainsi cet article à jour. De plus, il repassera sûrement sur le forum alors n'hésitez pas à vous inscrire !
Voici le compte-rendu de la discussion avec les fans, et de leurs nombreuses questions.
Si certaines vous viennent, n'hésitez pas à les poster en commentaires.
Pour ceux qui n'ont pas lu toute la saga les questions et réponses qui pourraient contenir des révélations sur les derniers tomes (disons 4 et 5) sont indiquées au début de la question par la mention "Spoiler".
Christophe Mauri : « C'est curieux mais c'est également de l'émotion de participer au
premier tchat de ma vie ! »
Ca n'a pas été trop dur de finir Mathieu Hidalf, émotionnellement
parlant ?
Ce n'est pas évident de tourner la page de cinq années d'écriture...
mais c'est aussi un immense soulagement d'être arrivé au bout de cette
aventure. Il y a un certain vide qui reste après l'écriture. Tout comme le vide
qu'on ressent à la fin de certains livres. Mais celui-ci est majeur pour moi
parce que Mathieu Hidalf a occupé chaque jour de ma vie depuis des années. Ce
vide-là, il va falloir le remplir. Mais c'est aussi un bonheur de pouvoir se
consacrer à un autre univers que celui de Mathieu.
Êtes-vous sûr et certain d’arrêter d’écrire autour de l’univers de
Mathieu Hidalf ?
Je ne suis sûr de rien, parce que je ne peux pas assurer qu'un jour
prochain l'envie de retrouver certains personnages ne reviendra pas au galop.
Mais pour le moment, je vais laisser Mathieu de côté.
D’autres projets ? L’envie d'écrire des romans pour la jeunesse ?
Ou des romans pour les adultes ? Ou totalement autre chose ?
J'ai beaucoup d'envies, ça, oui ! Mais quant à avoir l'idée et
l'énergie nécessaires pour se lancer dans un nouveau long projet, c'est un peu
tôt. Je n'arrive pas encore à dissocier mon imaginaire de Mathieu Hidalf. Je
retombe un peu sur lui à chaque croisement !
Pendant les années qui précédaient Mathieu Hidalf, je n'écrivais que
pour les adultes. A cette époque, j'étais étudiant en lettres, et écrire, pour
moi, ce n'était qu'une seule et même chose, qu'on s'adresse aux adultes, aux
jeunes ou aux enfants.
Aujourd'hui, je ressens davantage comme une différence, parce qu'elle
existe dans le milieu du livre.
Et je pense que le jour où j'écrirai pour les adultes comme à 21 ans,
sans me dire que je suis en train de le faire, je franchirai une étape.
Pour répondre précisément, je crois que j'écrirai pour les adultes. Et
je suis certain d'écrire encore pour la jeunesse, parce que j'adore ça, parce
que j'ai rencontré beaucoup d'auteurs et de lecteurs et que tout me donne envie
d'aller plus loin. La littérature pour la jeunesse est un monde que je
redécouvre aujourd'hui et que j'adore.
Le monde de Mathieu sort-il de votre imagination ou y a-t-il une
trappe qui y conduit ?
Quand on passe autant de temps et d'années dans un univers, il y a
quelque chose qui ressemble à ça. Mathieu Hidalf, je ne le réfléchis plus.
C'est comme s'il vivait ses aventures sans moi et, à ce titre, j'ai parfois
l'impression d'ouvrir simplement une porte et de le regarder faire sa vie.
SPOILER : Pourquoi ne revoit-on pas le Faon d'Argent dans les
derniers tomes (apparition à la fin du tome 4) ? Moi, je suis sûre que vous
avez fait comme Maître Magimel ! Vous avez laissé des failles pour si besoin,
un jour pouvoir écrire la suite de Mathieu !
Pour les failles que tu soulignes, je te remercie pour la comparaison
flatteuse avec Maître Magimel !
Mais je le crois beaucoup plus fort que moi pour prévenir les
évènements.
Il y a, dans Mathieu Hidalf, un certain nombre de failles. Certaines
sont dues à mon inexpérience quand j'ai commencé à écrire cette série. D'autres
à des situations que je préfère laisser sans réponse.
Je n'ai jamais relu un Mathieu Hidalf depuis sa parution, hormis le
premier pour son passage en poche. Et j'avais tellement de choses en tête au
moment d'écrire le cinquième que le faon dont tu parles s'est échappé, je ne
sais trop comment, de mon imagination. Il est resté derrière la trappe ! Je
l'avais pourtant utilisé dans une scène du cinquième tome, dans laquelle il guidait
Mathieu et Jurençon dans le labyrinthe des Bannis, en les menant aussi loin que
possible des Estaffes. Mais après avoir choisi de l'en retirer, je n'ai pas su
lui donner une place dans le récit.
Mes réponses vous paraissent peut-être surprenantes mais, vous savez,
c'est vraiment cela, pour moi, écrire un livre ; j'essaie constamment plusieurs
solutions et je ne suis pas toujours en mesure d'aller au bout de chaque idée
que j'avais d'abord eue !
SPOILER : Dans le livre Tristan Boidoré ne dira jamais à la
comtesse Dacourt qu'il est le prétendant qu'elle recherche depuis des années,
est-ce fait exprès ?
En réalité, la comtesse découvre que Tristan est celui qu'elle
recherchait dès le tome 4, lorsqu'un Prétendant, Clémentin Roitelet, dénonce
Juliette et Tristan. Dès lors la comtesse est au courant mais elle va faire
preuve d'indulgence.
Tu as pourtant raison de dire que cette information est discrète. Parfois,
quand tu es pris dans l'engrenage, il est difficile de traiter toutes les
situations comme tu le voudrais. J'aurais voulu donner beaucoup plus de place à
Tristan, Juliette d'Or et à la comtesse.
D’où vient votre inspiration ?
J'écris dans le monde de Mathieu Hidalf depuis que j'ai treize ans ! Alors,
l’inspiration vient de beaucoup de livres, de beaucoup de films, de beaucoup
d'heures à rêvasser.
Pour écrire le tome 4, je regardais chaque matin le générique de Walt
Disney plusieurs fois consécutivement, pour faire renaître la soif d'aventures
que j'avais, enfant, en voyant ce même générique ! C'est un exemple parmi d'autres
!
SPOILER : Je voudrais savoir si Mathieu version
"autonome" comme vous le dites et Louis Serra s'en sont remis
lorsqu'ils ont perdu leur Arbre ?
Pour moi, à présent, il n'y a que des suggestions quant à l'avenir de
Mathieu et de Louis Serra.
Louis Serra est un homme qui a donné toute sa vie à une cause. Il a
porté pendant des années le poids d'une culpabilité gigantesque. Et il ne peut
que s'éloigner maintenant de l'Élite, souffler, reprendre peut-être le cours de
sa vie personnelle. Pour autant, il reste le plus grand des Élitiens et si le
royaume devait être en danger, il serait là.
Pour Mathieu, c'est plus complexe. Sans aucun doute, Mathieu n'a pas
dit son dernier mot. Je le crois capable de tout. Capable de retrouver un arbre
doré. Capable d'entrer au service des Cœurs noirs, voire de la comtesse
Dacourt. A mon avis, il va prendre une ou deux années de vacances, entreprendre
de ruiner son père, puis revenir d'une façon ou d'une autre dans l'école...
D'autant plus que je le ne le vois pas s'en éloigner en laissant Juliette
d'Airain et Marie-Marie enchainer les Exploits. Mais Mathieu est libre, à
présent. Et je ne sais pas trop où il ira !
Ce que j'aime, c'est l'idée qu'un jour, il va s'asseoir à son bureau,
se plonger dans la carte dorée et dire à Griffrigor qui le regardera avec
curiosité : "Je reprends les affaires. Il paraît qu’il est impossible pour
moi de retourner dans l’école. Nous allons voir."
SPOILER : Est-ce la Comtesse Dacourt qui gardera l’Arbre du
premier Élitien ?
Pour la comtesse Dacourt, c'est une bonne question ! Aucun doute
qu'elle possède désormais l'Arbre du premier Élitien. Mais ce que je n'arrive
pas à savoir, c'est si elle va de ce fait devenir capitaine de l'Élite ou bien
seulement en être la directrice et laisser le titre de capitaine à Julius
Maxima.
Il y a des mystères pour moi aussi !
En tout cas, avec Armance portant l'Arbre de Magimel, l'école est
entre de bonnes mains !
Quel personnage vous ressemble le plus ?
Je ne peux que difficilement te répondre.
Spontanément, je dirais Louis Serra, mais tu vois de quoi j'aurais
l'air si je répondais cela sérieusement ! Ce serait comme de dire : "Dans
Superman, je me vois plutôt dans le rôle de Superman".
Ce que je veux dire par cette réponse, c'est que Louis est le
personnage auquel j'arrive le mieux à m'identifier (peut-être avec Tristan, qui
avait à peu près mon âge quand j'ai commencé).
Mathieu, je ne m'identifie pas à lui, je le vois vivre sans moi. Louis
Serra, si je marche dans une pièce sombre et que je me laisse aller, j'arrive à
me mettre à sa place.
SPOILER : Qui est réellement l'enfant du premier Élitien ?
L'enfant du premier Élitien appartient à la genèse de la série, quatre
siècles avant Mathieu Hidalf. On ne le connaitra jamais. On sait seulement
qu'il est l’ancêtre de Mme Emma Hidalf. Mathieu et les Juliette sont donc les
descendants de Magimel.
Pourquoi avez vous eu envie de devenir écrivain ?
Mon envie d'écrire est venue de deux évènements : une professeur
de français qui, en 4ième, nous a fait écrire à chacun un premier roman,
composé des différentes rédactions de l'année. Au commencement, on faisait une
tête impossible. A la fin, la moitié de la classe voulait devenir écrivain.
Le second facteur, c'est Harry Potter. Le quatrième tome sortait à
cette période de ma vie. Et ce livre, l'attente suscitée, l'émerveillement de
la lecture, m'ont donné envie à la fois d'écrire et d'essayer de publier un
roman avec Gallimard Jeunesse. Il aura fallu quelques années !
Est ce dur de diviser en plusieurs tomes "l'histoire" ?
Comment réussir à le structurer ? SPOILER : Qu’en est-il de la Foudre
Fantôme, personnage emblématique ?
La division en plusieurs tomes a été difficile à gérer.
Elle se précise avec le temps et l'expérience, et l'expérience, je
n'en avais aucune quand j'ai commencé ! Si je fais une prochaine série, j'aurai
davantage de cartes en main. Jusqu'au bout, j'ai d'ailleurs hésité entre cinq
et six tomes.
Pour la Foudre fantôme, je crois qu'elle a joué son rôle. Je pense
même qu'elle a choisi d'aller au devant du traître dans le tome 3. Mais un
petit faon dont nous avons parlé fera peut-être un jour son retour !
Est-ce difficile le métier d'écrivain ? On entend de nos jours
tellement de choses, comme quoi il est bien difficile d'en vivre... Faut-il
avoir un autre métier à côté ?
Pour répondre à ta question, oui, c'est difficile de vivre de sa
plume. Mais je connais beaucoup d'auteurs qui y parviennent. Seulement, on ne
sait jamais pour combien de temps exactement. Tout dépend non pas du temps de
travail ou de l'implication de l’auteur, mais du succès commercial de ses
livres.
SPOILER : Pourquoi cet épilogue ?
L'épilogue était un moment compliqué. Pour moi le roman se finissait à
la fin du dernier chapitre. J'ai gardé cet épilogue pour un ultime moment à
partager avec mes personnages.
J'aurais pu faire autre chose, bien sûr. Dans une première version, on
ne voyait ni la comtesse Dacourt ni Louis Serra. Le roman finissait sur Mathieu,
sortant seul du labyrinthe avec Griffrigor dans les bras, et grommelant :
"Désolé de vous avoir fait attendre, il m'a fallu trois ou quatre
jours pour attraper cet idiot de chat."
Tenez, une lectrice m'a fait une remarque incroyable samedi dernier
lors d'une dédicace : il y a en tout exactement cent chapitres dans les cinq
Mathieu Hidalf !
Par rapport au succès commercial, justement, vous est-il arrivé de
modifier votre style ou votre scénario (de vous-même ou sur les conseils de
votre éditeur) pour améliorer les chances de succès ?
Sincèrement, quand j'écris, je sais bien que je le fais pour des
lecteurs.
Mais Mathieu Hidalf a été le plus grand projet que j'ai connu, et
pendant toutes ces années, j'ai essayé de faire en sorte, en écrivant ses
aventures, de ne jamais bâcler, de ne jamais dévier de cette ligne : "Écrire
une aventure avec passion, qui me plaise à moi, quand je l'écris, car c'est mon
seul repère pour la juger." A ce titre, Mathieu était bien trop important
pour moi pour que des facteurs commerciaux me fassent pencher dans un sens ou
un autre. Qui plus est, mes éditeurs m'ont laissé la liberté la plus grande et
il n'a jamais été question de "calibrer" le roman. Cela dit, ils
m’ont bien sûr aidé, tout au long de la série, à améliorer mes romans, à mettre
en valeurs certains éléments plutôt que d’autres et à y voir plus clair quand
j’étais égaré. Ce que nous voulons tous, c’est rendre l’histoire et le récit
meilleurs.
Finalement, la seule chose qui dépende de raisons commerciales, c'est
le rythme assez soutenu des parutions, pour ne pas laisser le lecteur trop
longtemps sans nouvelles ! Mais s’il n’y avait pas de délais, je serais encore
occupé à relire le tome 1 de la série !